Riz Big Joe: Voici les vérités que les populations ignoraient

Riz Big Joe: Voici les vérités que les populations ignoraient

La commercialisation des 8000 tonnes de cette denrée en provenance du Pakistan, enlevée courant mars 2024 au port de Kribi visait les populations du septentrion dont les habitudes alimentaires sont atypiques.

Il n’y aurait assurément pas de polémique si la commercialisation de la marque de riz « Big Joe », au centre d’une controverse en ce moment dans notre pays restait circonscrite dans la zone septentrionale du Cameroun. Selon des experts du ministère de l’agriculture et du développement rural (Minader), là-bas, les habitudes alimentaires des populations consistent à 70% en la transformation des céréales en farine. Le maïs, le blé, le mil et le riz se consomment beaucoup plus en couscous. La société Avanti dont l’activité principale est l’importation des denrées alimentaires sèches, en particulier du riz, avait sans doute intégré cette constante du marché lorsqu’elle importait du Pakistan courant mars 2024 à destination de Ngaoundéré au Cameroun via le port de Kribi 8000 tonnes de riz 100% brisure.

En effet, la cargaison qui a passé quelques jours dans l’enceinte portuaire a respecté la procédure normale d’enlèvement. Toutes les structures de certification (ANOR, SGS, Centre Pasteur) ont produit la documentation attestant de la qualité propre à la consommation humaine. Les services phytosanitaires de Kribi, (dont nous nous sommes rapprochés), après avoir prélevé par sondage et fait analyser des échantillons sur 5% de la cargaison, et au regard des informations contenues dans le certificat d’origine du ministère pakistanais de l’agriculture et de la sécurité alimentaire émis en date du 5 mars 2024, ont donné quitus de l’enlèvement de la marchandise au port de Kribi à la deuxième semaine du mois de mars 2024. « Nous avons vérifié minutieusement la cargaison. Nous avons inspecté le navire pour savoir s’il y a des nuisibles. Le riz a été analysé au laboratoire de la direction de la réglementation à Yaoundé et au Centre Pasteur » a fait savoir Paul Yellegax, inspecteur phytosanitaire assermenté, par ailleurs chef de poste phytosanitaire au port de Kribi.

Riz Big Joe les vérités que les populations ignoraient
Le Centre Pasteur a certifié que le riz est de bonne qualité.

Problème de fond

Le ministre camerounais du commerce Luc Magloire Mbarga Atangana l’a mentionné dans son communiqué de presse : « (…) ce riz, importé de façon régulière et débarqué au port de Kribi dispose de toute la liasse documentaire exigible en la matière, tant en termes de qualité du produit que de sa conformité à la norme. Il peut par conséquent sur cette base, être consommé en toute quiétude ». En effet, jusqu’ici, ce produit alimentaire n’a encore fait de mal à personne. Aucune intoxication alimentaire ni empoisonnement après sa consommation n’est enregistré. Le problème de fond ici, selon des professionnels de l’agronomie, réside dans son mode de cuisson. Il s’agit, selon des ingénieurs agronomes, de riz 100% brisure et non pas de riz étuvé, c’est-à-dire riz de cuisson directe. D’après un ingénieur agronome que nous avons approché, un riz étuvé est celui-là qui est traité après récolte ; qui a suivi une pré-cuisson avant d’être décortiqué de manière à faire diffuser des vitamines de l’enveloppe à la graine. Il est caractérisé par sa couleur jaunâtre et sa rapidité à la cuisson. Il ne s’agglutine pas, il n’est pas gluant et conserve plus de nutriments que le riz blanc traditionnel. Or il est remarquable que la denrée commercialisée par le ministère du commerce ne répond à ces critères. « Le riz 100% brisure, s’il faut faire les choses selon la norme et les principes, n’est pas fait pour la cuisson habituelle. Un riz 100% brisures c’est presque de la poudre de riz. Très souvent il n’est bon que pour la transformation en farine pour faire du couscous de riz. Il n’est pas fait pour la cuisson directe car une fois dans la marmite en contact avec de l’eau, il est gluant et forme de la patte surtout si vous ne savez pas respecter la dose d’eau » confie un autre ingénieur agronome. « Du moment où toutes les analyses certifient d’une qualité propre à la consommation, nous n’avons pas qualité à savoir qui va le consommer et comment va-t-il le consommer. Mais si notre expertise était sollicitée en pareille circonstance, nous pourrions conseiller sur son mode de consommation » ajoute le chef de poste phytosanitaire de Kribi.

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Un sac de riz Big Joe dans un espace commercial

A qui la faute ?

Il devient dès lors aisé de comprendre pourquoi l’importateur destinait sa marchandise aux régions du Grand Nord ! C’est le bastion par excellence des activités agropastorales et de la consommation du couscous de riz. Le ministre Luc Magloire Mbarga Atangana, dans le contexte de la lutte contre la vie chère, a cru bien faire en élargissant la vente promotionnelle dans le reste du triangle national. Son péché c’est de n’avoir pas  informé les populations du Sud, du Centre et du Littoral, que le riz Big Joe n’a pas le même mode de la cuisson que le riz ordinaire, sachant pourtant que leurs habitudes alimentaires sont bien différentes de celles des populations du Nord, de l’Extrême-nord et de l’Adamaoua. Qui plus est, généralement, le riz 100% brisures est  riche en amylopectines. « L’amylopectine fait en sorte que, quand on cuit le riz, il a tendance à devenir gluant et pâteux. Nous pouvons dire que Big Joe est une denrée particulière qui se vend auprès des peuples qui ont un genre alimentaire atypique » commente un technicien de riziculture. « Aucun importateur sérieux qui veut faire des bénéfices ne peut vendre du riz étuvé à 15000fcfa le sac de 50kg, fut-ce au motif de philanthropie. Quand vous entendez 100% brisure, vous savez déjà à quoi vous attendre. Cessons d’accuser à tort la société Avanti » justifie un consommateur.

Il y a donc lieu de poser la question de savoir à qui la faute ?  Est-ce à la société Avanti ? Est-ce au ministre du commerce qui ne se serait pas suffisamment renseigné avant de commercialiser la denrée controversée ? Ou alors la faute est aux camerounais qui, à force de croupir dans la misère ont sauté sur l’occasion d’un produit qualifié à la portée de leur bourse sans savoir son mode réel de consommation ? En tout état de cause, les responsabilités sont partagées. Sous le fallacieux prétexte de lutte contre la vie chère, les camerounais sont transformés en du bétail par leur gouvernement au détriment d’un système où les membres du gouvernement sont bien nourris et les citoyens sont miséreux.

Riz Big Joe la commercialisation visait le grand Nord
Riz Big Joe. La qualité est bonne. Mais il faut savoir le mode de cuisson

Lazare Kingue

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